lundi 7 avril 2014
L'allaitement, toujours une préoccupation maternelle?
Dans ma toute grande naïveté de jeune-première-fraîchement-engagée dans un boulot d'accompagnement aux (futures-) mamans et nouveau-nés, j'avais basé ma plus grande motivation dans l'idée de promouvoir, soutenir les mamans et futures mamans allaitantes, de les conseiller au plus juste.
Et pourquoi, pas en convaincre quelques unes du bien-fondé de cette pratique.
Étonnement, sur le terrain, ce n'est pas ce que je fais le plus.
J'ai vite constaté que les mères sont multiples et que les résumer à leur choix de biberonner ou d'allaiter était réducteur sinon simpliste.
D'abord, il y a justement les nuances que l'on peut apporter au terme "choix".
Le choix arrêté en âme et conscience, le choix par défaut, le non-choix réel ou imaginé, le choix par manque d'information, de soutien.
D'autre part, le fait d'avoir une approche globale de la maman, de sa famille et de son "village" (terme qui signifie pour moi, l'entourage large soutenant ou pas) m'a permis d'évaluer si et comment l'allaitement était priorisé.
Pour certain(e)s, je vois dans le fait de devenir maman / parents des enjeux bien différents que celui de choisir le sein ou le biberon.
Je le remarque surtout dans les familles précarisées, au sens large du terme, donc pas seulement la précarité économique puisque c'est souvent celle-là qui vient à l'esprit. Mais également dans les situations de déséquilibre liées de près ou de loin à l'arrivée d'un bébé (handicap, prématurité, désaccord dans le couple,...)
Force est de constater que dans certaines histoires, l'allaitement n'est pas mis au premier plan, parce que les énergies sont et doivent être placées ailleurs.
Pour certaines femmes, devenir mère représente un autre combat.
Pour certains couples, sein ou biberon, bien choisir est secondaire face à d'autres enjeux.
Tout dépend de leur cheminement et de l' histoire qui leur appartient et qui les a construit aujourd'hui, à cet instant précis, avec cet enfant. Celui-là et pas un autre.
Nier cet état de fait et tenter d'informer, d'argumenter envers et contre tout autour de l'allaitement maternel, serait proche de la maltraitance et ne permettrait pas d'établir une relation propice au soutien de la famille.
L'allaitement n'est pas toujours la préoccupation maternelle ou parentale.
Parce que pour certain(e)s, il y a d'autres choses à régler avant.
Il y des deuils d'enfance à gérer, un passé ou passif social fort que le couple veut effacer par l'arrivée de l'enfant.
Il peut y avoir une problématique corporelle, un rapport au corps qui ne sont pas assumées.
Certains parents possèdent un bagage de croyances bien ancrées, il ne revient à personne de les juger pour cela, mais leur vision de l' "être parent" est construite avec d'autres priorités.
Parfois, c'est un couple ou une fratrie qui demande de l' énergie pour s'accorder.
Un rôle social qui doit se redéfinir.
Il existe plein d'autres raisons pour placer sa priorité ailleurs que dans l'allaitement de son enfant.
Bien-sûr, ma conviction personnelle, basée sur mon seul vécu, voudrait qu'étant un besoin de base de l'enfant, il vaudrait mieux que cette préoccupation soit présente.
Et finalement, en voyant les histoires qui se construisent devant moi, les noeuds familiaux qui de détricotent doucement, je dois dire que pour ce couple là, cet enfant- là, à cet instant là, il y avait autre chose à "travailler".
Ce que ça m'apporte aujourd'hui.
J'arrive à donner de l' information sur l'allaitement maternel, du contenu et rien que du contenu validé scientifiquement sans craindre que mon propos soit perçu comme culpabilisant.
Mais je ramène ce propos à l'histoire familiale ou personnelle.
J'essaie d'envisager la situation sous un autre angle. Ensemble, on tente de mettre le doigt sur les points de fragilité, de voir comment lever l'obstacle. Et comment avancer dans le lien parent-bébé et maman-bébé.
Avant d'aborder la question de l'allaitement, j'essaie de réaliser l'anamnèse de la maman et de la famille.
Dans certains cas, l'accompagnement ne peut pas se situer là, porter toute l'énergie dans la mise en place d'un allaitement est inutile.
Pour arriver à ce que l'allaitement maternel devienne une priorité et une préoccupation du parent, je me rends compte qu'il faut lever d'autres pressions pesant sur la mère souvent, le couple et la famille parfois.
Il arrive que le bébé ne soit jamais allaité au sein ou que l'arrêt de l'allaitement se fasse rapidement malgré l'accompagnement.
Je ne le vis pas comme un échec, si par ailleurs, j'ai pu travailler d'autres aspects qui ont permis l' accordage du bébé et sa maman ou l' accordage du couple parental, la construction du lien.
Pour répondre à la question qui m'interpellait au départ, non, l'allaitement n'est pas toujours la préoccupation maternelle, parce que pour certaines, c'est encore un luxe, malheureusement.
Dans leur cas et bien qu'ayant très souvent accès à l'information, je peux difficilement parler de
choix éclairé mais plutôt d'un non-choix.
Emprisonnées dans leurs vies, la parentalite s'inscrit et se réalise autrement que dans l'acte d' allaiter son enfant.
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2 commentaires:
4 enfants, 4 allaitements differents!
à chaque les circonstances etaient differences et a chaque fois mon rapport avec l'allaitement etait different !
très bel article !
merci à toi!
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