jeudi 29 janvier 2015

Harcèlement scolaire : une seule personne suffit.


J'ai 9 ans, je suis en quatrième primaire.
J'ai des copines, on parle poupée, robes et jeux de filles...

Dans ma classe, un nouveau venu, cette année, il s'appelle G.
Il a deux ans et deux têtes de plus que les garçons de notre âge.
Je pense qu'il a dû être renvoyé d'un autre autre établissement et qu'il a dû redoubler au moins deux fois.

Il se fait remarquer par ses comportements parfois rigolos, parfois complètement hors propos et n'hésite pas à menacer du poing les autres élèves.

Il me fait fait peur, j'ai jamais été très à l'aise avec les meneurs, surtout ceux que usent de la violence pour se faire respecter.
Alors parfois ou souvent, je rigole de ses blagues, pas forcément drôles.

Il roule des mécaniques, il a l'air vachement au courant de tous ces trucs qu'on ne voit qu'à la télé, il regarde des films d'horreur et puis même des films où les gens se touchent et font l'amour avec tous les détails que nos cerveaux de bébés de 9 ans peuvent à peine imaginer. Et bien-sûr, il en raconte les détails.

Il me fait peur mais je ris de ses blagues débiles comme ça il me fout une paix royale.

Un jour, il me fait passer un mot et me demande pour "sortir" avec lui. Il est amoureux de moi.
Je ne sais même pas de quoi il parle, je n'imagine même pas que ça puisse exister une chose pareille.
J'ai 9 ans, je le remballe sans ménagement.

Grosse erreur.

Il commence à m'insulter en classe, à se moquer de moi, de ma famille.
Dans la cours de récréation, il me menace et me terrorise.
L'année se termine et j'ai un amoureux, un garçon qui a mon âge et qui m'écrit des poèmes dont je suis l'héroïne.


A la rentrée suivante, G reprend ses avances de plus belles et ses remarques blessantes.
Il me menace encore plus.
Il vole un de mes cahiers et se masturbe dessus devant les autres garçons de la classe.
Personne ne dit rien, ne le dénonce.
Moi, je suis morte de panique et de honte.

Un jour, je sors de la classe pendant les cours pour apporter des documents à un autre enseignant.
G profite pour demander à se rendre au toilettes et m'attend dans un couloir vide, il me colle au mur et menace de m'étrangler si je ne l'embrasse pas. Il s'arrête au bout d'un instant qui me semble être une éternité.

Plusieurs fois, alors qu'il me croise dans l'école, il essaie de me coincer.
J'ai peur, je ne veux plus me retrouver seule dans l'école.

Un jour, j'ose en parler à mon institutrice : "G m'embête, G m'attend dans les couloirs quand je suis seule, il me menace"

Pour toute réponse, j'entends dire : " oui mais, tu l'as cherché, non?"
Fin de dialogue
Par chance, je n'ai pas encore l'âge de porter des mini-jupes sinon, cette femme m'aurait répondu que c'était ma tenue qui provoquait ça?

Je suis anéantie, je n'ai plus confiance dans les adultes, je n'en parle pas à mes parents, j'ai l'impression que la seule réponse qu'on pourra me donner est : "c'est de ta faute"

L'année se poursuit, je vais à l'école, la peur au ventre, je suis tout sauf sereine.
J'essaie d'ignorer G mais il me cherche, me harcèle sans cesse, jamais devant des témoins adultes et si cela arrive devant d'autres élèves, il sait qu'ils ne diront rien par crainte de ses représailles.

Fin de l'année et de mon supplice.

Par je ne sais quel miracle, il ne réapparait pas en septembre.
La boule, celle que j'ai à l'estomac depuis deux ans, s'envole.


Je revis même si je suis en colère contre ce gars qui a gâché deux années scolaires et le reste...

Deux ans après.

Je termine ma deuxième année de collège, ce sont les vacances.
Le téléphone sonne et c'est pour moi.

C'est G.
Je suis glacée, les jambes coupées.

"je ne t'ai pas oublié, tu sais...
Au fait, c'est à quelle date, la rentrée scolaire dans le collège où tu es?"

J'ai dû couper court ou raccrocher ou je ne sais plus.

Je sais que dans la minute qui a suivi cet échange, j'ai annoncé à ma mère que je changeais de collège.
Je ne sais par quel miracle, elle n'a posé aucune question ni comment se fait-il qu'elle ait été d'accord.

J'avais juste le sentiment de devoir sauver ma peau, je ne voulais pas que cet enfer recommence.

Le lendemain, je visitais et m'inscrivais, pour mon plus grand soulagement, dans mon nouveau collège.

Je n'ai donné aucune explication à mon départ, ni prévenu mes copines.
Je suis partie comme une voleuse. Sans dire où j'allais.
Parce qu'on fond, j'avais honte de ce qu'il s'était passé.

Tellement honte que j'en ai parlé mais des années plus tard, alors que j'étais adulte, lors d'une séance de psychothérapie. Et à personne d'autre.

La honte et la culpabilité avaient pris toute la place parce que dans la bouche d'un adulte, si moi, petite fille de 9 ans, un garçon me harcelait, me menaçait, c'était entièrement de ma faute et que je l'avais pas volé.

A cette époque, point de facebook, point de sms et je pense que c'était heureusement bien ainsi.
Sinon, jusqu'où ce harcèlement serait-il allé?

Par chance, j'avais cette coupure entre l'école et la maison, je savais que même si j'étais seule avec ce poids et ce secret, il ne pouvait pas m'atteindre jusque chez moi.

Je crois qu'à un moment j'ai déprimé, du haut de mes 9 ans.
Mais j'ai surtout perdu la foi et la confiance dans la protection des adultes et ça, grâce à cette enseignante.




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